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 Le cinéma grandeur nature
Il a sillonné la planète notamment pendant plus de 20 ans aux côtés de Nicolas Hulot pour l'émission TV culte Ushuaïa Nature, où il a officié comme caméraman puis réalisateur. Devenu depuis un documentariste réputé, Luc Marescot s'est lancé cette fois à corps perdu dans la réalisation d'un long-métrage singulier pour défendre à sa manière un écosystème qui lui est cher : la forêt.

Avec à son actif plus de 80 documentaires réalisés pour la télévision, dont 12 sur les forêts tropicales au contact de Raoni, des Pygmées, des Papous et de nombreuses tribus amérindiennes, Luc Marescot est une pointure dans le milieu du film d'aventure. Ses documentaires ont été primés et unanimement salués par la critique et le grand public. Des succès qui n'aveuglent pas l'intéressé aimant d'abord à rappeler les ferments de sa vocation : « Mon goût prononcé pour les voyages, les autres et les découvertes m'est venu de mon père, qui était l'un des pilotes d'hélicoptère de Paul-Émile-Victor aux Expéditions Polaires Françaises », avant de tout suite embrayer sur son projet au long cours, « peut-être le plus personnel » : Poumon vert et tapis rouge. Tout remonte à il y a plus de 20 ans. Luc tourne alors à Madagascar un documentaire sur une bande de passionnés qui étudient les canopées des forêts tropicales grâce à un outil extraordinaire de leur invention pour atteindre leur but : le radeau des cimes. Durant ce tournage, il fait la rencontre du botaniste Francis Hallé. « La façon dont ce chercheur racontait et révélait les histoires merveilleuses qui se jouent au sein des forêts m'a touché en plein cœur. Son combat pour essayer de préserver ce monde végétal, de lutter contre la ruée des tronçonneuses imposait non seulement le respect mais m'a donné envie de réaliser un projet cinématographique d'envergure », confie Luc, intarissable, voire même fiévreux à la seule évocation de « son » botaniste : « Francis, c'est David contre Goliath, c'est le Don Quichotte de l'océan vert. Aujourd'hui à 80 ans, il n'a toujours pas lâché le combat, et le poursuit avec une foi toujours déterminée. Parce qu'il n'y a pas le choix. Tous ces arbres qu'il chérit, ce sont ceux, entre autres, qui nous font respirer, qui maintiennent la vie sur Terre ».

LE PARCOURS DU COMBATTANT

Luc Marescot va se montrer patient et poursuivre son idée première, celle de raconter au cinéma le combat d'un botaniste protecteur des forêts inspiré de la vie de Francis Hallé. Mieux, il s'attèle « seul dans [son] coin » à l'écriture d'un scénario de fiction narrant l'histoire d'un botaniste ermite dans les forêts tropicales. Guillaume Maydatchevsky, un ami scénariste, se propose alors de l'aider. Les deux compères multiplient les sessions d'écriture. Naît ainsi le scénario commun du long-métrage : The Botanist. Un saut vers la fiction délibéré comme le confesse l'homme d'images : « Les films documentaires sont souvent vus par des gens déjà convaincus, alors que la fiction touche un public plus large, et pollinise le message plus largement. Il n'y a qu'à voir le succès de Blood Diamond. Certes, ce long-métrage n'a pas permis de dénoncer le trafic illégal de diamants, car ça des documentaires l'ont aussi fait, mais ce film hollywoodien avec Leonardo DiCaprio et son écho ont permis de faire chuter de 15% le trafic illégal de diamants. Rien que ça, cela démontre l'impact de la fiction ! ». Pour autant, le fossé entre le monde du cinéma du réel et celui de la fiction est grand, voire infranchissable, et ce même pour un réalisateur chevronné du petit écran. Partant du principe que ce n'est pas où l'on va qui est important, mais le chemin que l'on prend pour y arriver, Luc va alors filmer chaque étape de sa métamorphose de documentariste à cinéaste, sans rien nous cacher de ses espoirs et de ses doutes. La finalité étant de mobiliser l'opinion publique « pour braquer nos regards sur les forêts, donner de l'espoir, faire se lever les énergies, se réveiller les passions, pour que la Terre – le minuscule bateau sur lequel nous sommes embarqués dans l'immensité galactique – soit respectée, et nous porte encore longtemps ». Son enthousiasme, servi par une noble cause, va lui ouvrir des portes, mais il va désormais lui falloir lutter, ruser et convaincre avec comme seul objectif en tête : arriver à faire exister The Botanist.

LE CINÉMA, L'AUTRE JUNGLE

Pour ce faire, le documentariste installé en lisière de la forêt de Brocéliande (en Bretagne) ne va pas lésiner sur les moyens. Il va suivre des cours de scénario, partir lui-même à la recherche d'acteurs et de producteurs, là où ils se trouvent, à Paris, Los Angeles, Berlin ou Cannes. Claude Lelouch le reçoit dans sa salle de montage, Nicolas Hulot chez lui à Saint-Lunaire. Il a la ferme intention de rencontrer des réalisateurs de renom comme Jacques Perrin pour qu'ils le conseillent ; ou encore des acteurs médiatiques comme Robert Redford, Édouard Baer ou Juliette Binoche. Qui sait… Du Gabon à la Papouasie Nouvelle-Guinée en passant par l'Amazonie, Luc profite également de certains de ses tournages pour arpenter – souvent avec Francis Hallé – les forêts tropicales, afin de mieux nourrir son scénario, de choisir les meilleurs décors de tournage et d'illustrer son propos. Le choc des mots, le poids des images. C'est là d'ailleurs tout le piment de son film que de nous plonger dans son entreprise émaillée de moments inattendus. Face caméra, le réalisateur passionné se livre sans fard, ni fausse pudeur nous partageant à sa façon sa plongée dans les arcanes d'une autre jungle impitoyable, celle du cinéma. La naïveté de Luc, autant que sa malice et la noblesse de son combat, sont touchantes. Grâce à un montage bien balancé, alternant séquences au cœur des forêts tropicales – nous faisant d'ailleurs découvrir le botaniste in situ – et séquences citadines dans le milieu du cinéma à la rencontre de personnalités aux discours souvent bien huilés, le spectateur vibre, s'étonne, s'amuse et mieux, se questionne. Ne manquez pas cet OFNI, ou Objet Filmique Non Identifié, à voir impérativement sur grand écran.

Stéphane Dugast


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