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Hiver 2024
  au sommaire de ce numéro 15 :
L'ÉDITORIAL DE STÉPHANE DUGAST
Ligne de foi*
 lire l'édito 
J'ai caboté l'été dernier au Groenland, littéralement la « terre verte » selon son découvreur viking Érik le Rouge. Une contrée blanche vue du ciel, et colorée d'après mes expériences. Premiers clichés d'icebergs, premiers commentaires sur les réseaux sociaux. D'abord enthousiastes : « Plein les yeux ! Quelle chance ! Profite bien Stéphane, tu vis des aventures extraordinaires », les remarques ne tardent pas à devenir plus provocantes : « Quoi ! Tu es au Groenland avec un bateau de croisière ?! ».

« Croisière », le mot est lâché, et a mauvaise presse. Étymologiquement parlant (une discipline que j'affectionne), ce terme désigne depuis 1906 un « voyage d'études ou touristique ». « Touriste », un autre mot devenu péjoratif dans la langue de Molière. Il est pourtant un emprunt à l'anglais tourist, lui-même dérivé du mot français « tour » signifiant depuis le XVIIe siècle le « voyage, circuit au cours duquel on visite différents endroits ». À ses débuts en France, un « touriste » désigne un voyageur… britannique, qui s'adonne à un voyage d'agrément en parfait oisif. D'emblée, le touriste paresseux s'oppose donc au valeureux travailleur. Et dire que le tourisme est devenu au fil du temps une industrie florissante dans notre pays. Des littoraux ont été bétonnés, des montagnes ont été remodelées, des sites historiques muséifiés… pour le pire et le meilleur des congés payés. Rappelons qu'en 2022, 93 millions de visiteurs étrangers ont rapporté 58 milliards d'euros à notre économie, nous classant à la deuxième place en termes de revenus derrière l'Espagne (selon Atout France et l'Insee). En 2023, cet afflux s'élevait même à 98 millions.

Revenons cependant à nos icebergs et à ma « croisière-expédition » à l'heure où le tourisme dans des milieux extrêmes et peu fréquentés interroge légitimement. « Le Groenland attire de plus en plus de touristes, désireux d'observer son paysage glacé avant sa disparition. L'essor de ce "tourisme de la dernière chance" contribue pourtant au réchauffement climatique », estime pour sa part le mensuel GEO. L'île, majoritairement recouverte de glace (à plus de 80 %), a en effet attiré plus de 50 000 personnes en 2021, soit presque autant que sa population à l'année. La journaliste n'a heureusement pas manqué de souligner que « le tourisme est une aubaine pour l'emploi local » et une ressource « non négligeable dans un territoire qui dépend de la pêche et des subventions de Copenhague », son autorité de tutelle. Économie, écologie, préservation, valorisation, là est évidemment un point d'équilibre à trouver pour les Groenlandais.

Loin de participer à l'artificialisation du monde ou au tourisme de masse, je suis de ceux qui pensent qu'un tourisme raisonnable et raisonné peut en effet autant valoriser que protéger un écosystème. Le commentaire d'une amie m'a d'ailleurs éclairé l'été dernier : « Tu es à Ittoqqortoormiit ? Attention aux camps de chasse aux narvals, j'ai dit à mon ami Hejlmer que je relayerai son avertissement ». Hejlmer Hammeken est l'un des chasseurs les plus réputés et les plus aguerris de ce village cher à Vincent Hilaire (cf. page 20). Une perle du Scoresbysund, le plus grand fjord du monde sis sur la côte orientale du Groenland. En été, Hejlmer et ses pairs aiment à chasser le narval (ou « licorne des mers ») sans être dérangés, et c'est compréhensible. Une chasse millénaire au caractère d'ailleurs sacré dans la mythologie inuite, soit dit en passant !

Leur activité est encadrée, tout comme celle désormais des croisiéristes de passage. Une nouvelle loi a en effet été entérinée en août dernier par le « Ministère du transport, des minerais et de l'égalité » groenlandais afin de limiter les zones de navigation des navires de croisières, imitant les réglementations drastiques des « voisins » que sont l'Islande et le Svalbard (Norvège). Faut-il y voir les conséquences de l'échouage d'un navire de croisière, l'été précédent, dans un fjord reculé plus au nord-est du Groenland ? Oui selon toute logique. Une « fortune de mer » qui n'avait heureusement provoqué ni morts, ni blessés, ni pollution. Cette décision pleine de bon sens vise à diminuer les risques de pollution ou d'affluence massive, et ainsi limiter les impacts humains. Les esprits les plus cartésiens ne peuvent que s'en féliciter. Les plus curieux seront en revanche étonnés d'apprendre que le Parc national du nord-est du Groenland (zone de l'échouement du navire l'an dernier) est dorénavant essentiellement réservé aux activités… militaires et minières. Un nouveau paradoxe, et une autre histoire à vous développer les mois prochains. Le monde des glaces est décidément révélateur de bien des maux de notre planète.

Pour l'heure, belles fêtes de fin d'année à vous et à vos proches !
Restons forts,

Stéphane Dugast


* Une « ligne de foi » est une ligne matérialisée sur la couronne d'un compas de navigation pour représenter l'axe longitudinal du navire, ou de l'aéronef. L'angle que forme cette ligne avec la direction du nord (indiquée par le compas) correspond au « cap compas » suivi par le mobile.

TROIS QUESTIONS À …
Willy Minec, un singulier pèlerin
Emprunter à pied une trace historique entre le Languedoc et le Gévaudan en plein hiver et dans les conditions les plus proches de celles du XIIIe siècle, c'est la nouvelle aventure de Willy Minec. Entretien à bâtons rompus avec ce singulier pèlerin quelques heures avant son départ sur le chemin de Saint-Guilhem-le-Désert.
propos recueillis par Stéphane Dugast
à lire en page 2 du journal Embarquements n°15
en savoir plus : azimutetcie.fr

EXPÉDITION
La bonne éducation
Professeur des écoles, docteur en sciences de l'éducation, fondateur de « L'école face au plus grand défi du XXIe siècle », Philippe Nicolas est un homme de convictions et d'actions. Il est d'ailleurs l'initiateur d'une pédagogie singulière, celle qui consiste à faire vivre à ses élèves des expéditions engagées sur des terrains polaires, telle Cap Groenland 2024 qu'il nous raconte dans ces colonnes.
texte : Philippe Nicolas | photographies : Alexandre Berty
à lire en page 3 du journal Embarquements n°15

ENTRETIEN
Nuits magiques
Depuis l'ère industrielle, les étoiles se sont peu à peu éclipsées de la voûte céleste. Direction la Californie, une région du globe où se concentrent les industries spatiales les plus nuisibles à la qualité du ciel noir, mais aussi les communautés les plus engagées dans sa préservation. Entretien avec Julie Philippe et Olivier Bleys, qui ont respectivement roulé et marché sous les étoiles.
propos recueillis par Stéphane Dugast | photographies : Julie Philippe
à lire en page 4 du journal Embarquements n°15
en savoir plus : olivierbleys.comactes-sud.fr
📖 La Marche aux étoiles, en quête de ciels sauvages d'Olivier Bleys, à paraître le 8 janvier 2025 aux éditions Actes Sud.

RÉCIT
Rustine, la « deudeuche » vagabonde
Depuis près de 20 ans, Fabien Bastide œuvre dans le secteur de l'humanitaire, du développement et de la recherche internationale. Ses expériences l'ont fait bourlinguer dans près de 45 pays, d'Afrique comme d'Asie. En dehors de ces missions, l'infatigable voyageur se plaît à arpenter les coulisses de notre planète pour vivre ses propres aventures, dont celle-ci très personnelle à bord d'une voiture légendaire.
extraits du livre La 2CV vagabonde, de la France au Laos de Fabien Bastide, paru en 2024 aux éditions Transboréal.
à lire en page 6 du journal Embarquements n°15
en savoir plus : fabien-bastide.frtransboreal.fr

CHRONIQUE LITTÉRAIRE
Grains de folie
« Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit », devisait François de La Rochefoucauld il y a près de quatre siècles. Dans les livres sélectionnés pour ce numéro d'Embarquements, l'éventail des folies s'avère d'une admirable variété, depuis l'attendrissante lubie jusqu'à la froide démence meurtrière. Mais on vous rassure : ces lectures ne vous feront courir aucun risque !
par Magali Brieussel | en partenariat avec La Géosphère, librairie de voyage à Montpellier
à lire en page 7 du journal Embarquements n°15
en savoir plus : librairiegeosphere.com

PORTFOLIO
Pour ne plus confondre Arctique et Antarctique, suivez le guide !
Si vous vous trouvez dans une région polaire sans savoir laquelle, rien de plus simple : « Si vous apercevez des manchots, c'est que vous êtes au pôle Sud, mais si vous rencontrez un ours blanc, c'est que vous êtes au pôle Nord », aimait à plaisanter l'explorateur Jean-Baptiste Charcot (1867-1936) lors de ses conférences. À vous d'en juger !
photographies : Antoine Merlet, Nicolas Mathys et Guillaume Petermann
à lire en page 8 du journal Embarquements n°15
en savoir plus : antoinemerlet.comnicolasmathys.comguillaumepetermann.com

HISTOIRE
Le dernier voyage du Pourquoi Pas ?
Médecin de profession devenu officier de marine, Jean-Baptiste Charcot a exploré aussi bien l'Antarctique que l'Arctique. En cet été 1936, celui que ses pairs surnomment le « gentleman polaire » navigue justement le long de la côte orientale du Groenland.
photographies : Fonds Jean-Baptiste Charcot
à lire en page 14 du journal Embarquements n°15
en savoir plus : jbcharcot.fr

REPORTAGE
Rolwaling, la lutte des glaces
Le plus grand lac glaciaire du Népal est aussi le plus dangereux. Alimenté par la fonte inexorable des glaces, le Tsho Rolpa menace la vallée sacrée de Rolwaling, voisine de l'Everest. Pourtant, malgré les alertes des scientifiques, la petite communauté sherpa reste étonnamment confiante.
texte : Marjolaine Édouard | photographies : Matthieu Alexandre / inTERREviews
à lire en page 16 du journal Embarquements n°15
en savoir plus : youtube.com
📖 Rolwaling, une vallée sacrée en Himalaya de Marjolaine Édouard et Matthieu Alexandre, à paraître le 16 janvier 2025 aux éditions Complicités.

RÉCIT
Sur les traces de Kukum
Signé Michel Jean, l'ouvrage Kukum narre sur un siècle le destin d'Almanda Siméon, une orpheline qui va tenter de s'intégrer dans la société des Innus malgré ses origines irlandaises. Un roman-fleuve qui célèbre l'arrière-grand-mère de l'auteur, mais aussi un peuple autochtone, son besoin de liberté et ses difficultés. Il a bouleversé de nombreux lecteurs, dont le guide de haute montagne français Franck Junod au point de le décider à monter sa propre expédition au Québec sur la piste de Kukum. Une aventure très nature et pleine d'imprévus, comme en atteste son récit.
texte et photographies : Franck Junod
à lire en page 18 du journal Embarquements n°15
en savoir plus : radio-canada.ca

PORTRAIT
Vincent Hilaire, le pouvoir des glaces
Tour à tour journaliste, rédacteur en chef, photographe, galeriste et explorateur, Vincent Hilaire met ses compétences au service d'un projet au long cours, celui de la sensibilisation du grand public aux conséquences du dérèglement climatique sur les peuples autochtones. Une aventure semée d'embuches pour le concepteur et directeur de Greenlandia, lancée il y a déjà 10 ans au Groenland oriental. Confidences inédites d'un baroudeur passionné.
texte : Vincent Hilaire
à lire en page 20 du journal Embarquements n°15
en savoir plus : greenlandia.org


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