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« Croisière », le mot est lâché, et a mauvaise presse. Étymologiquement parlant (une discipline que j'affectionne), ce terme désigne depuis 1906 un « voyage d'études ou touristique ». « Touriste », un autre mot devenu péjoratif dans la langue de Molière. Il est pourtant un emprunt à l'anglais tourist, lui-même dérivé du mot français « tour » signifiant depuis le XVIIe siècle le « voyage, circuit au cours duquel on visite différents endroits ». À ses débuts en France, un « touriste » désigne un voyageur… britannique, qui s'adonne à un voyage d'agrément en parfait oisif. D'emblée, le touriste paresseux s'oppose donc au valeureux travailleur. Et dire que le tourisme est devenu au fil du temps une industrie florissante dans notre pays. Des littoraux ont été bétonnés, des montagnes ont été remodelées, des sites historiques muséifiés… pour le pire et le meilleur des congés payés. Rappelons qu'en 2022, 93 millions de visiteurs étrangers ont rapporté 58 milliards d'euros à notre économie, nous classant à la deuxième place en termes de revenus derrière l'Espagne (selon Atout France et l'Insee). En 2023, cet afflux s'élevait même à 98 millions. Revenons cependant à nos icebergs et à ma « croisière-expédition » à l'heure où le tourisme dans des milieux extrêmes et peu fréquentés interroge légitimement. « Le Groenland attire de plus en plus de touristes, désireux d'observer son paysage glacé avant sa disparition. L'essor de ce "tourisme de la dernière chance" contribue pourtant au réchauffement climatique », estime pour sa part le mensuel GEO. L'île, majoritairement recouverte de glace (à plus de 80 %), a en effet attiré plus de 50 000 personnes en 2021, soit presque autant que sa population à l'année. La journaliste n'a heureusement pas manqué de souligner que « le tourisme est une aubaine pour l'emploi local » et une ressource « non négligeable dans un territoire qui dépend de la pêche et des subventions de Copenhague », son autorité de tutelle. Économie, écologie, préservation, valorisation, là est évidemment un point d'équilibre à trouver pour les Groenlandais. Loin de participer à l'artificialisation du monde ou au tourisme de masse, je suis de ceux qui pensent qu'un tourisme raisonnable et raisonné peut en effet autant valoriser que protéger un écosystème. Le commentaire d'une amie m'a d'ailleurs éclairé l'été dernier : « Tu es à Ittoqqortoormiit ? Attention aux camps de chasse aux narvals, j'ai dit à mon ami Hejlmer que je relayerai son avertissement ». Hejlmer Hammeken est l'un des chasseurs les plus réputés et les plus aguerris de ce village cher à Vincent Hilaire (cf. page 20). Une perle du Scoresbysund, le plus grand fjord du monde sis sur la côte orientale du Groenland. En été, Hejlmer et ses pairs aiment à chasser le narval (ou « licorne des mers ») sans être dérangés, et c'est compréhensible. Une chasse millénaire au caractère d'ailleurs sacré dans la mythologie inuite, soit dit en passant ! Leur activité est encadrée, tout comme celle désormais des croisiéristes de passage. Une nouvelle loi a en effet été entérinée en août dernier par le « Ministère du transport, des minerais et de l'égalité » groenlandais afin de limiter les zones de navigation des navires de croisières, imitant les réglementations drastiques des « voisins » que sont l'Islande et le Svalbard (Norvège). Faut-il y voir les conséquences de l'échouage d'un navire de croisière, l'été précédent, dans un fjord reculé plus au nord-est du Groenland ? Oui selon toute logique. Une « fortune de mer » qui n'avait heureusement provoqué ni morts, ni blessés, ni pollution. Cette décision pleine de bon sens vise à diminuer les risques de pollution ou d'affluence massive, et ainsi limiter les impacts humains. Les esprits les plus cartésiens ne peuvent que s'en féliciter. Les plus curieux seront en revanche étonnés d'apprendre que le Parc national du nord-est du Groenland (zone de l'échouement du navire l'an dernier) est dorénavant essentiellement réservé aux activités… militaires et minières. Un nouveau paradoxe, et une autre histoire à vous développer les mois prochains. Le monde des glaces est décidément révélateur de bien des maux de notre planète. Pour l'heure, belles fêtes de fin d'année à vous et à vos proches ! Restons forts, Stéphane Dugast
* Une « ligne de foi » est une ligne matérialisée sur la couronne d'un compas de navigation pour représenter l'axe longitudinal du navire, ou de l'aéronef. L'angle que forme cette ligne avec la direction du nord (indiquée par le compas) correspond au « cap compas » suivi par le mobile. |
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