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Inoxtag est donc parvenu sur le toit du monde, l'Everest (8 848,66 mètres exactement), et celui des audiences (sans oxygène cette fois !). Les chiffres donnent le tournis. Son documentaire « Kaizen » a été visionné 17 millions de fois en moins de 48 heures. Disons-le d'emblée, Inoxtag (Inès Benazzouz de son vrai nom) a du charisme, du bagout et un sens aigu des affaires. Il a sans conteste su faire fructifier son « exploit » et ses coulisses, tout en faisant habilement monter le suspense avant la sortie de son film dans 500 salles de cinéma, puis sur sa chaîne Youtube, bousculant par là-même tous les codes de l'audiovisuel. Les puristes et les grincheux (dont je fais partie) étaient sceptiques : pensez donc, s'attaquer à un sommet mythique, comme ça d'entrée de jeu, pour le buzz… Le « frérot » a certes du culot mais aussi du « gingin », dont celui d'avoir su s'entourer de pointures et d'un guide chevronné. De tout cela, j'étais le jour J, ignare. Pire, j'étais d'une mauvaise foi crasse. Suffisant pour mettre les nerfs en pelote de Joséphine, 15 ans et demi : « Mais Papa, tu ne vas quand même pas lui reprocher de faire des aventures et de les raconter ». Bim ! « C'est ce que tu fais depuis 25 ans avec moins de succès… ». Bam ! « Et puis tu le juges sans même avoir regardé la moindre image, c'est le pompon ! ». Boum ! La vérité sort parfois de la bouche d'une ado de la génération Z. « Genre ! ». J'ai donc ravalé mon orgueil et visionné cette superproduction. Évidemment j'ai d'abord jalousé les moyens de tournage (avec 4 cadreurs), la réalisation léchée (caméras embarquées, drone à gogo), le budget XXL frôlant le million d'euros, la post-production façon Marvel avec sa pléthore d'effets spéciaux. Et puis je me suis laissé séduire par son histoire tant les décors sont époustouflants. Mais dans le milieu des aventuriers, la bataille fait rage : il y a les fans, les contempteurs et (mes préférées) les girouettes. Jean-Michel Asselin, 5 expéditions sur cette « érection tectonique » (sic) à son actif, a su quant à lui garder sa ligne dans un billet malicieusement intitulé : « Il a gravi l'Everest… et alors ? ». Sans verser dans le c'était-mieux-de-mon-temps, l'alpiniste-journaliste chevronné a d'abord rappelé ses ascensions de l'Everest faites « de silence et de solitude », aux antipodes de celles réalisées actuellement. D'Inès (qu'il préfère appelé par son prénom), il a ensuite salué le choix judicieux de « prendre un guide, s'entraîner, effectuer de belles ascensions : mont Blanc, Cervin, Ama Dablam. Rien à dire, il ne fait pas partie de ces étranges prétendants qui apprennent à mettre des crampons au camp de base de l'Everest, ce qui ne les empêchera pas d'atteindre, parfois, le sommet ». Le conteur des cimes a ainsi adoubé un jeune homme (22 ans), prince des réseaux sociaux, réclamant même l'indulgence à ses confrères, et ce malgré leurs réticences et leurs indignations. Avant le visionnage de Kaizen, gonflé de mes préjugés, j'aurais moqué ce billet. Mais plus maintenant. Les cimes chez ceux qui les escaladent, et leurs abîmes par ceux qui les content, me fascinent. La mise en lumière des exploits et de leurs coulisses en fait le sel, comme la quête quasi mystique des explorateurs de la verticalité. « Inés n'écrit pas pour l'histoire de l'alpinisme, il écrit pour lui, pour les siens, pour des gens comme moi et il écrit plutôt bien. Je suis certain qu'il retournera en montagne, sûrement sans caméra pour le suivre, juste pour le plaisir d'un lever de soleil, la vision onirique d'une arête de neige. Rien de grave dans le succès de son ascension, de son film, de ses messages. Rien que l'étonnement d'un enfant gâté des médias qui découvre avec étonnement la beauté du monde et qui est désormais condamné à la défendre. Le bilan est positif », a même conclu l'ami Jean-Mich' décidément au-dessus de la mêlée médiatique. L'Everest a toujours fait couler beaucoup d'encre, et ce depuis sa première ascension réussie par Tenzing Norgay et Edmund Hillary en 1953. Depuis, ils ont été quelque 6 000 personnes à atteindre son sommet. Inoxtag est de ceux-là, de cette poignée d'humains qui ont su rêver haut et fort, s'entraîner, s'engager, grimper et atteindre leur but malgré les obstacles et les difficultés inhérentes. Plus qu'un « exploit » finalement tant cette quête est puissante, et source d'émotions fortes. « Quand tu es arrivé au sommet de la montagne, continue de grimper », suggère un proverbe tibétain. Là-haut, tout là-haut, sur les sommets des dieux, se fondent le regard et le cœur dit-on. Que la montagne est belle… et cruelle ! Restons forts et inspirés,
Stéphane Dugast |
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à lire en page 2 du journal Embarquements n°14 en savoir plus : greenlandia.org | vincenthilaire.fr |
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à lire en page 3 du journal Embarquements n°14 en savoir plus : lesbelleslettres.com 📖 Mémoires poétiques d'explorateurs, recueil dirigé par Élodie Broussard, illustré par Amandine Comte, éditions Les Belles Lettres, 2024. |
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à lire en page 4 du journal Embarquements n°14 en savoir plus : odysseus-foundation.org |
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à lire en page 6 du journal Embarquements n°14 en savoir plus : toulemonde.org | fdeville.com 📖 De l'île déserte à la mer de sable – Un aventurier entre chien et chat, Gauthier Toulemonde, éditions F Deville, 2024. |
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à lire en page 8 du journal Embarquements n°14 en savoir plus : parczoologiquedeparis.fr | facebook.com/ParcZoologiqueDeParis |
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à lire en page 7 du journal Embarquements n°14 en savoir plus : librairiegeosphere.com |
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à lire en page 12 du journal Embarquements n°14 en savoir plus : adamromain.net |
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à lire en page 16 du journal Embarquements n°14 en savoir plus : routesnouvelles.com | editions.flammarion.com 📖 Routes nouvelles, côtes inconnues – 16 explorations françaises autour du monde, 1714-1854, Hubert Sagnières, éditions Flammarion, 2023. |
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à lire en page 18 du journal Embarquements n°14 en savoir plus : nicolasmathys.com |
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à lire en page 20 du journal Embarquements n°14 en savoir plus : journals.openedition.org (pdf : 43Mo) 📖 Hors du temps – L'expérience du 16 juillet 1962, Michel Siffre, éditions Julliard, 1963. 📖 Expériences hors du temps – L'aventure des spéléonautes, Michel Siffre, éditions Fayard, 1972. |