mentions légales politique de confidentialité

© Embarquements, depuis 2021
Été 2024
  au sommaire de ce numéro 13 :
L'ÉDITORIAL DE STÉPHANE DUGAST
L'ivresse des sommets
 lire l'édito 
Un immense bouchon sur le toit du monde, à plus de 7 000 mètres d'altitude. C'est l'image qui revient à chaque saison, quand des alpinistes s'élancent simultanément à l'assaut de l'Everest. Le 20 mai dernier, à la faveur d'une fenêtre météo, le scénario s'est reproduit, toujours aussi grotesque, lorsque l'inattendu va survenir. Un morceau de corniche tombe sur des alpinistes, entraînant six d'entre eux dans sa chute. Quatre sont sauvés par la corde qui les retenait. Deux autres sont portés disparus. Le youtubeur à succès, Inoxtag alias Inès Benazzouz, a quant à lui été plus chanceux malgré sa maigre expérience de la haute montagne. Enfin là encore, « il y a rocher sous le gravier » (proverbe maison). Car d'après Alpine Mag, un média numérique référence en la matière, « Inoxtag aura de toutes façons réalisé une grande première, du jamais vu dans le milieu de l'alpinisme : tenter de gravir une montagne, puis revenir sans rien dire. C'est d'autant plus flagrant qu'il a tenté le sommet le plus haut de la planète, l'a annoncé en grande pompe au monde entier (du moins à ses 6 millions de followers), avant de faire silence radio ». A priori, il s'agit d'une habile « mise en scène » cousue de fils blancs car la diffusion du film relatant « le plus gros défi de [sa] vie » est annoncée pour la rentrée. Un nouvel accroc à l'éthique dont les youtubeurs de sa trempe ne se soucient guère tant ils sont préoccupés à garnir leurs comptes en banque ainsi qu'à épingler exploits et trophées sur leurs curriculums XXL « d'explorateurs 2.0 ».

L'Everest est devenu une destination idoine pour les aventuriers de tous poils. Des centaines d'entre eux se lancent chaque année à l'assaut de ce « 8 000 » (8 848 mètres exactement). Il faut dire que son ascension ne présente pas de difficultés majeures, à condition néanmoins d'être accompagné par un guide. Les chiffres sont parlants : ils étaient 522 personnes en 1993 à avoir « vaincu » ce sommet, contre 6 338 en 2023. Les agences de tourisme népalaises seraient d'ailleurs peu regardantes sur les aptitudes de leurs clients, pourvu qu'ils payent. Comptez au moins 50 000 euros pour vous offrir une ascension de l'Everest. Le youtubeur Inoxtag a déboursé « entre 600 000 et 1,2 million d'euros » (même là, c'est nébuleux), super production oblige. Pour l'explorateur lambda, ces coûts comprennent les trajets en avion et toute la logistique sur place, dont l'obtention d'un permis, l'emploi d'une équipe de sherpas et la location de bouteilles d'oxygène, au cas où. Une « industrie » très juteuse pour les autorités népalaises. N'ont-elles pas accordé en 2023 pas moins de 478 permis d'ascension à des grimpeurs étrangers (un record), collectant ainsi 4,7 millions d'euros de recettes ? Seul hic, la fameuse zone de la mort. L'an dernier, 17 personnes sont décédées sur l'Everest, dont 7 locaux encadrants. Une « saison noire » selon les spécialistes qui l'expliquent autant par les conditions météo extrêmes que par l'impatience et l'inexpérience de certains clients. Durcir les règles de sécurité et limiter la fréquentation sont deux solutions évidentes. Comme celles de rappeler que le pognon et l'oxygène à profusion ne sont pas les mamelles de l'alpinisme moderne en Himalaya.

Cette philosophie des sommets, Tendi Sherpa me l'a narrée avec faconde lors de la dernière édition du festival Les Écrans de l'Aventure à Dijon. Guide népalais francophone, Tendi est un homme d'action avec à son actif 22 ascensions de 8 000, dont 15 fois celle de l'Everest. Il est aussi un sage, lui qui peut se targuer de ne jamais chercher l'exploit, ni les records, quitte parfois à renoncer malgré les enjeux. Bon orateur et truculent personnage, Tendi porte un regard lucide sur la beauté sacrée des hauts sommets, la fragilité de leurs glaciers, et les excès de ceux qui les gravissent. Nous avons aussi parlé des perspectives de développement dans les vallées, et j'ai littéralement bu ses paroles. Dans ma tête, j'ai randonné avec lui jusqu'à Khembalung, une vallée isolée du Népal oriental, surplombée par le Makalu (8 470 mètres), l'endroit où il est né. « Je suis là pour honorer la montagne plutôt que de glorifier mon ego, ou celui de mes clients ». J'aime les Tendi, leur modestie et leurs immenses compétences, leur clairvoyance et leurs utopies. À chaque voyage, ici comme ailleurs, je me débrouille toujours pour rencontrer un Tendi et fréquenter ce que j'appelle un « îlot de lumière ». Histoire d'éclairer autrement notre monde, pour ne sombrer ni dans le désespoir, ni dans le cynisme. J'aime ces gens lumineux et irradiants comme Tendi. J'affectionne ces individus qui alignent leur regard à leur cœur, leur intellect à leurs tripes, eux qui se contrefichent des clics, des buzz, des flashs et des paillettes. La pente est trop glissante actuellement pour céder à ses sirènes, et à l'ivresse des sommets. L'émerveillement est une « denrée » à ne jamais galvauder chez les explorateurs, du plus profond des abysses jusqu'aux cimes du monde. Question d'éthique et d'humilité.

Restons forts et inspirés,

Stéphane Dugast

QUATRE QUESTIONS À …
Damien Desbruyères, océanographe
Chercheur au Laboratoire d'Océanographie Physique et Spatiale au Centre Ifremer de Bretagne, à Plouzané, Damien Desbruyères, 37 ans, a récemment reçu la médaille de bronze du CNRS. Une récompense pour ses recherches sur « la machine océan » et ses impacts sur le climat. Cet été, il embarque justement pour Terre-Neuve, au Canada, afin d'étudier de plus près ce qui serait l'un des « pacemakers » des grands courants de l'Atlantique.
propos recueillis par Stéphane Dugast
à lire en page 2 du journal Embarquements n°13
en savoir plus : epoc.blogs.uni-hamburg.decrossroad.ifremer.fr

EXPÉDITION
Les écailles de la forêt
Lauréate 2023 de la bourse « Exploration et biodiversité » de la Fondation Iris, en partenariat avec la Société des Explorateurs Français, l'expédition Les Écailles de la forêt a exploré durant 30 jours différents points chauds de la biodiversité du Parc national Yasuni en Équateur, en plein territoire des peuples Kichwa et Huaorani. L'objectif ? Rechercher et référencer de nouvelles espèces, pour mieux les protéger. Les résultats ont d'ailleurs été au-delà des espérances.
texte : Damien Lecouvey | photographies : Damien Lecouvey et Matthieu Berroneau
à lire en page 3 du journal Embarquements n°13
en savoir plus : damienlecouvey.comfondationiris.org

RÉCIT
Un catamaran de plage dans les glaces
Arpenteurs de grands espaces, Dominique Bleichner et Paola Beneton nous livrent le récit de leur raid estival en catamaran de sport le long de la côte ouest du Groenland. Une itinérance de 41 jours vers le Nord, traversant sur 1 500 kilomètres une dizaine de villages, à partir de Nuuk, la capitale. Une navigation engagée, car sans habitacle, au contact de la nature et des Groenlandais.
texte et photographies : Dominique Bleichner
à lire en page 4 du journal Embarquements n°13
en savoir plus : facebook.com/uummaa-expedition

RÉCIT
Drôles de dames
C'est une image culte du cinéma : Susan Sarandon et Geena Davis, pied au plancher d'une Ford Thunderbird bleue de 1966, sautant dans le Grand Canyon. Un cri féministe en avance sur son temps. Trente ans plus tard, Catherine Faye et Marine Sanclemente reprennent la route de Ridley Scott, devenant de « nouvelles Thelma et Louise », le drame en moins heureusement, mais avec cette furieuse envie de voyage. Le leur a duré deux mois et elles ont parcouru 10 000 kilomètres. À la clef, des rencontres authentiques et, en filigrane, une interrogation sur la société contemporaine et les frontières ténues entre le bien et le mal.
texte : Catherine Faye et Marine Sanclemente
à lire en page 6 du journal Embarquements n°13
en savoir plus : editionspaulsen.com
📖 À la vie à la mort de Catherine Faye et Marine Sanclemente, 2024, éditions Paulsen

REPORTAGE
L'ananas sous pression
Emblème de l'île de Moorea, l'ananas Queen Tahiti est une promesse d'exotisme. Plébiscité sur le marché du frais, il est régulièrement en rupture de stock à l'usine qui le transforme en jus. Les planteurs fournissent d'intenses phases de travail, mais leurs rendements les déçoivent. Plus optimistes, les agronomes pointent du doigt de mauvaises habitudes culturales, tandis qu'un homme se bat pour dynamiser la filière. Jean-Michel Monot a d'abord redressé l'usine de la coopérative avant de développer des produits à forte valeur ajoutée, les fameux « vins d'ananas ».
photographies : Lionel Cuveiller
à lire en page 8 du journal Embarquements n°13
en savoir plus : lionailes.comservice-public.pf
 l'interview du photographe 


Lionel, ta photo fait la couverture d'Embarquements. Dans quelles conditions l'as-tu réalisée ?

Lorsque j'ai commencé ce reportage, je me suis rapidement retrouvé à enquêter au lycée agricole. Pour cette image, j'étais avec deux employés en train de récolter les fruits au pied du mont Rotui. À force de leur tourner autour, j'ai fini par me concentrer sur leurs sacs en toile de jute, une texture qui me rappelle des souvenirs d'enfance. Bon là, je voulais raconter leur tâche harassante, montrer la sueur, les épines, les charges… et l'idée m'est venue de prendre un vieux sac troué pour y glisser mon boîtier. Sous le soleil cuisant, il m'a fallu prendre plusieurs clichés avant de saisir le bon geste, celui qui ne masquerait pas son visage tout en évoquant une sorte de butin. J'ai appris que pour une bonne photo, il fallait se baisser et ne pas avoir peur de se salir. Ça me rappelle d'ailleurs une autre scène où les gars plantaient des rejets à l'arrière d'un tracteur… là encore, pour moi le meilleur angle c'était d'être face à eux, et donc sous le tracteur ! Le pilote a stoppé sa machine, et j'ai pu travailler en lui faisant confiance… Qui a dit que le shooting d'un ananas ne méritait pas de s'engager physiquement ?

Quel matériel as-tu utilisé ?

Quand je me déplace, j'utilise mon Canon EOS R5 avec un objectif 15-35 mm qui ouvre à f/2.8. J'ai également un Canon EOS R avec un 70-200 mm monté dessus, mais je m'en sers rarement. J'ai toujours un 24-105mm f/4, just in case. J'emporte aussi au moins un drone en fonction des tournages, à savoir un DJI Mavic3 et/ou un AIR2s qui permettent de varier les points de vue. Enfin, j'ai deux flashs déportés et un trépied léger.

De la culture du fruit, tu es arrivé à un improbable « vin » d'ananas… combien de temps ce reportage t'a-t-il occupé ?

En cumulé, ça représente 6 mois de travail. Lorsque j'ai commencé, en mars 2021 avec la récolte dans les champs, je ne pensais pas que ce sujet m'emmènerait aussi loin. Trois ans plus tard, en avril 2024, il s'achevait avec la « prise de mousse ». L'élevage en barrique est l'une des dernières photos que j'ai réalisées, et pas des moindres, tout simplement parce que l'on avait omis de me dire que l'usine de transformation exploite un chai. Alors résident à Tahiti, j'ai dû optimiser mes allers-retours jusqu'à l'île voisine de Mo'orea, mais la saisonnalité et la disponibilité des gens m'ont joué des tours. Et puis mon sujet s'est développé autour d'une filière dont j'ignorais tout ou presque. C'était vraiment passionnant ! J'ai d'ailleurs passé beaucoup de temps à illustrer la transmission intergénérationnelle, un thème qui m'anime depuis plusieurs années et qui a donné lieu à une série de documentaires que j'ai réalisés par ailleurs. Les anciens sont des bibliothèques vivantes à mes yeux ; ils ont tellement de choses à nous apprendre !

Les anciens de Mo'orea justement, tu les présentes un peu résignés. Tu peux préciser ce sentiment ?

Si le « vin » d'ananas illustre un certain dynamisme au sein de la filière, il faut le mettre en perspective avec la majorité des jeunes qui, a contrario, ne veulent pas reprendre l'exploitation de leurs aînés car c'est trop pénible. Même la main d'œuvre saisonnière vient à manquer. Sur le plan paysager, la caldera est striée d'alignements d'ananas caractéristiques, mais j'ai l'impression que si demain cette culture venait à disparaître de l'île, cela ne choquerait pas plus que ça. Ici, le tourisme est bien plus intéressant pour gagner de l'argent. Bien sûr et heureusement, les traditions du tapa (étoffe en écorce, ndlr.), de la sculpture, de la danse et de la musique sont vivaces, mais si l'on compare avec le reste de la Polynésie française, où la vanille, le tiaré et la perle sont bien mis en valeur, l'ananas, lui, semble moins plébiscité. J'ai rencontré des agronomes optimistes, notamment autour du bio, mais ceux-là vont devoir mettre les bouchées doubles pour rendre cette filière plus attractive aux yeux de la prochaine génération d'agriculteurs.

Depuis cette immersion agricole, la saveur de l'ananas a-t-elle changé pour toi ?

Elle s'est mille fois renforcée ! Cependant, je suis devenu exigeant… Par rapport aux ananas de Cuba, du Costa Rica ou de Thaïlande, la variété qui est cultivée ici, la Queen Tahiti, est bien plus qualitative. Facilement reconnaissable, elle est sucrée, elle n'est pas acide… Je retrouve ce plaisir avec le jus 100% Painapo (Rotui) qui est produit au sein de l'usine Jus de Fruits de Moorea, celle qui justement m'a accueilli. Malheureusement leur stock est circonscrit à l'archipel et n'est disponible que quelques mois dans l'année, alors quand je rentre en métropole, je préfère m'abstenir. À côté de ça, Manutea produit les fameux « vins d'ananas » parmi lesquels j'ai un faible pour le Blanc Sec. Bon ce n'est pas vraiment du vin, c'est autre chose. Il faut goûter sans préjuger, ni comparer…. mais c'est très subtil ! Quand je déguste ces produits, je me retrouve au milieu des champs abrupts, dans les pick-ups avec leurs ridelles en bois, dans les odeurs gourmandes et l'ambiance familiale de l'usine. Désolé pour la retape, mais c'est beau, c'est vintage et c'est bel et bien vivant.

propos recueillis par Julien Pannetier
Réalisateur et photographe depuis 2008, Lionel voyage à travers l'Europe et l'Asie pour créer de nombreux aftermovies et vidéoclips. En 2020, il devient télépilote de drone professionel. La même année, il réalise son premier documentaire de 52 minutes, un film humaniste sur le patrimoine culturel qu'il nomme « Secrets d'anciens ». Il travaille aujourd'hui en Polynésie française, couvrant divers événements sportifs (Xterra, Jeux Olympiques) sans s'écarter de sa vocation à construire des reportages pour la presse.

CHRONIQUE LITTÉRAIRE
Règne donc, animal !
Renards, singes, ânes, loups : autant de mammifères qui côtoient et fascinent les humains depuis la nuit des temps – ou presque. Pas étonnant que leur présence, aujourd'hui encore, imprègne la littérature. C'est parti pour un voyage en terres animales… au fil des pages !
par Magali Brieussel | en partenariat avec La Géosphère, librairie de voyage à Montpellier
à lire en page 7 du journal Embarquements n°13
en savoir plus : librairiegeosphere.com

REPORTAGE
L'or de Bantaco, ou les poussières du malheur
Avril 2024, 45°C à l'ombre. Des seaux remplis de pierres sont hissés à la surface. Un butin chargé d'or que les mineurs de Bantaco vont désormais chercher à 200 mètres de profondeur. Seule la saison des pluies arrête leurs activités poussiéreuses. Mais le fleuve continue de charrier du mercure, et les enfants de quitter l'école vers 10 ans. Terrible destin que celui de ces mineurs venus de loin pour gagner leurs vies. Tandis que les corps meurtris, les troubles pulmonaires et les maladies anonymes se multiplient, cette contrée toxique est maintenant rejointe par des industriels chinois pris de la même fièvre.
photographies : Antoine Merlet
à lire en page 12 du journal Embarquements n°13
en savoir plus : antoinemerlet.com

REPORTAGE
Tabaculture : le second souffle
La fumée part, la nicotine reste. Suite à la politique française anti-tabac, les vapoteurs remplacent peu à peu les fumeurs. En Dordogne, autrefois fief de la tabaculture, les surfaces de production se sont effondrées, mais d'irréductibles paysans continuent de cultiver cette plante en se tournant vers de nouveaux marchés. En partenariat avec un semencier pour fournir l'entreprise bordelaise VDLV, ils répondent aux nouvelles exigences de la cigarette électronique. Entre innovation et circuit-court, le clope made in France renaît de ses cendres.
texte et photographies : Nicolas Mathys
à lire en page 16 du journal Embarquements n°13
en savoir plus : nicolasmathys.combergeracsb.com
 lire l'article complet 
Saint-Pierre-d'Eyraud, sous le soleil de septembre. Dans cette commune de Dordogne, des ouvriers saisonniers ramassent péniblement de grandes feuilles que tous les habitants savent reconnaître : du tabac, ou plutôt une nouvelle variété de tabac.

La dernière récolte traditionnelle

Monopole d'État de 1681 jusqu'en 1970, la culture du tabac requérait peu de superficie pour être rentable. Elle assurait jusqu'alors une rentrée d'argent annuelle significative pour les producteurs, certains la qualifiant même de « sécurité sociale des paysans ». Victime de la fin des aides publiques, puis de la concurrence internationale, la filière n'a eu de cesse de péricliter, fragilisant le tissu économique de petites exploitations en polyculture qui ont dû se reconvertir.

Emblématiques du patrimoine tabacole, les séchoirs « cathédrales » parsèment encore les paysages du Sud-Ouest français. Au XXe siècle, on recensait plus de 5 000 hangars de ce type en France, mais beaucoup sont aujourd'hui en ruine. Des passionnés tentent de souligner leur valeur patrimoniale auprès de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC).
Monsieur Pigeon pose devant un ancien séchoir à tabac qui mesure 20 mètres par 8 mètres. Il l'a exploité avec son épouse jusqu'au début des années 2000. Ensemble, ils produisaient quelque 30 000 pieds de tabac par an. Ils ramassaient, triaient puis envoyaient le tabac à la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA). © NICOLAS MATHYS
En octobre 2021, suite à la fermeture de la dernière usine de tabac française, à Sarlat, la famille Escupeyrat est contrainte d'effectuer sa dernière récolte « classique » avec un tabac destiné à la consommation de cigarettes et cigares, pour les pipes et les chichas, à chiquer ou à priser. Des usines en Italie et en Pologne permettront d'écouler les derniers stocks français. Une page se tourne, que les agriculteurs du Bergeracois réussissent à pallier en saisissant l'opportunité de la cigarette électronique.

Le GAEC Escupeyrat est parmi la dizaine de producteurs français contractés par Bergerac Seed & Breeding (BSB) pour cultiver des plants de tabac porte-graines. En recherche permanente sur les différentes variétés de Nicotiana tabacum, le semencier répond notamment aux nouvelles exigences de l'industrie de « l'e-cigarette ».
Chez les Escupeyrat se côtoient des parcelles de « tabac porte-graines » et de « tabac nicotine ». Ce dernier est destiné aux e-cigarettes, impliquant des pratiques culturales différentes. Les agriculteurs doivent notamment brûler les bourgeons pour limiter le développement de la plante, et ainsi augmenter sa concentration en nicotine. Ce brûlage doit être reproduit 3 à 5 fois durant la saison, ainsi qu'une taille manuelle si nécessaire. © NICOLAS MATHYS
Nouvelle donne sur le marché

Les plants de Nicotiana tabacum sont récoltés entre les mois de juillet et d'octobre, selon la variété cultivée et les conditions météorologiques. Depuis 2019, Christelle et Éric Escupeyrat en cultivent une variété destinée aux vapoteuses. Leurs plants sont plus petits que ceux cultivés traditionnellement en France, car cette nouvelle industrie requiert des feuilles avec une concentration plus élevée en nicotine. Les pratiques culturales ont également évolué avec, trois à cinq fois par saison, l'obligation de brûler les bourgeons afin de limiter le développement de la plante qui concentre ainsi ses molécules de nicotine. La dessiccation du tabac est réalisée dans des hangars plus ou moins aérés, avec un toit en tôle et sans étage. Comme dans les anciens séchoirs en bois, il s'agit le plus souvent de suspendre les feuilles afin d'en extraire l'eau avant l'arrivée de l'hiver.
Christelle Escupeyrat présente du tabac Virginie, dit « tabac blond », en fin de séchage. Suspendue dans un hangar depuis la fin de l'été, chaque feuille a évacué l'eau qui la composait. Le séchoir permet de maîtriser la température et l'hygrométrie afin de préserver la qualité des feuilles. Ainsi, le séchage du tabac peut prendre plusieurs semaines, selon les conditions atmosphériques et les méthodes utilisées. © NICOLAS MATHYS
Installé en 2015, Bergerac Seed & Breeding succède à l'Institut du Tabac de Bergerac qui, de 1927 à 2014, a accumulé une séminothèque renfermant plus de 1100 variétés de Nicotianées, dont près de 800 de tabac. Un patrimoine unique en Europe qui a d'ailleurs été déclaré « collection nationale » par le Conservatoire des collections végétales spécialisées (CCVS).

Seule entreprise opérant des sélections variétales de tabac en France, et leader en Europe, ce semencier produit, avec 3 hectares de champs, le pollen nécessaire à l'élaboration de graines pour le marché agricole français, le reste étant commercialisé en Union européenne, en Afrique et en Asie.

Nicolas Mathys
Aventurier et passionné d'explorations, Mathys, comme il aime qu'on l'appelle, s'intéresse aux milieux montagneux et polaires, et ce, depuis une expédition autonome en Islande. Ces dernières années, la découverte des étendues sauvages canadiennes, où il a été formé comme « guide de plein air », lui a permis de rencontrer les populations autochtones nord-américaines : les Premières Nations. Désormais installé dans le Sud-ouest de la France, il partage son temps entre les Pyrénées, les pays bordant l'Arctique et le reste du monde.

RÉCIT
Les murmures du Yukon
Réalisateur et photographe aguerri, Geoffrey Saint-Joanis est parti en plein hiver dans le Yukon. Là-bas, dans ce territoire du Nord canadien, le Stéphanois souhaitait observer la vie sauvage, et plus spécialement le bison des bois, en voie d'exctinction. Récit d'un voyage initiatique sur les terres des Aishihik, où dame Nature continue de régner en maîtresse.
texte et photographies : Geoffrey Saint-Joanis
à lire en page 18 du journal Embarquements n°13
en savoir plus : gsaintjoanis.comyukon.ca

PORTRAIT
L'élégant Monsieur Truong
Peintre, voyageur, illustrateur, flâneur, plongeur et auteur de romans graphiques, Marcelino Truong nous promène cette fois de Saïgon à Saint-Malo, via Londres, Washington ou la Royale. Le bleu est omniprésent dans le récit de cet artiste à hautes sensibilités qui n'a de cesse d'établir des passerelles entre le Vietnam et la Bretagne, les terriens et les marins.
texte : Stéphane Dugast
à lire en page 20 du journal Embarquements n°13
en savoir plus : marcelinotruong.comeditionsdesequateurs.fr
📖 Si Loin dans le Bleu de Marcelino Truong, 2024, éditions des Équateurs


Philosophie


Créateurs


Newsletter