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Hiver 2023
  au sommaire de ce numéro 11 :
L'ÉDITORIAL DE STÉPHANE DUGAST
Bouillons de culture
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Sommet du col d'Aubisque, altitude : 1 709 mètres. Je domine le monde, ou plutôt la vallée d'Ossau avec une vue imprenable sur la chaîne des Pyrénées. Je suis fier comme Artaban d'avoir grimpé à la force de mes seuls mollets ce col hors-catégorie : 16,5 kilomètres à 7,1 % de dénivelé en moyenne. J'ai la pédale joyeuse avec mon beau paletot jaune sur le dos. Je peux foncer vers le col du Soulor (1 474 mètres) et ainsi basculer vers la vallée voisine en direction d'Argelès-Gazost, une station thermale où mes grands-parents venaient jadis séjourner chaque été. J'aime ces virées vélocipédiques sur les routes de mon enfance et du tour de France. Elles sont mes madeleines de Proust, celles qui à l'orée des « Cinquantièmes hurlants », me comblent et me rassurent. Le vélo a des vertus assurément tout autant tonifiantes qu'apaisantes.

Plus bousculé sera mon automne passé dans un brouillard numérique suite au piratage de mon compte Facebook. « De toute façon, ce réseau social est en perte complète de vitesse », me susurraient les uns. « Facebook, c'est que pour les vieux ! » se moquait ma fille Joséphine, bientôt 15 ans. Une chose est certaine, tous mes interlocuteurs étaient les derniers à renoncer à l'usage de ces réseaux si vilipendés mais si fréquentés au quotidien. Contraint et forcé à cette cure sans notifications, je m'y suis habitué. Seule contrariété de taille, celle d'être dans l'incapacité d'exercer mes droits pour récupérer l'usage de mon compte piraté et suspendu. Revers heureux de la médaille, celui de pouvoir se concentrer sur l'essentiel : le présent, le réel, le vivant et les gens.

Cela tombait bien car j'étais invité à plusieurs festivals de voyage et d'aventure. De Montpellier à Lorient, via Dijon, Nantes, La Rochelle ou encore Toulouse, j'ai ainsi multiplié les conférences et les animations. J'ai parfois dû faire le grand écart comme lors de cette conférence aux Écrans de l'Aventure à Dijon afin que mes trois invités puissent parler sciences, glaces, algues et course à la voile. Plus spontané fut mon entretien avec Tendi Sherpa, guide de haute montagne népalais. Nous avons parlé pêle-mêle d'Everest, d'ascensions, de performances, d'éthique et même de spiritualité. Mêmes bouillons de culture au Festival international du film et du livre d'aventure de La Rochelle. Au fil de plus d'une quinzaine de débats littéraires, j'ai interrogé ceux qui nous racontent avec des mots ou des dessins l'aventure. Les débats ont été passionnants et nourrissants. Dommage néanmoins que les festivaliers préfèrent encore le cinéma d'aventure (avec une salle de 800 places à guichets fermés) aux rencontres littéraires (80 spectateurs au mieux). Un déséquilibre encore plus frappant aux Rencontres Ciné Montagne à Grenoble. Dans le palais des sports se pressaient en effet chaque soir 1 500 spectateurs pour assister à des projections de films de montagne, mais ils n'étaient qu'une vingtaine à tout casser pour assister à une table-ronde autour de l'exploration. Les mots (sans images) sont pourtant puissants. La preuve dans la cité des ducs de Bretagne…

Je ne suis ni juge, ni flic, ni avocat, ni curé, ni psychiatre, et encore moins « coach » de vie mais j'ai pris une GROSSE claque ! Ce jeudi pluvieux de novembre, je suis sorti de ma zone de confort en donnant deux conférences à destination de publics dits « empêchés ». Le matin, j'étais à 8h30 pétantes à la maison d'arrêt de Nantes et en fin d'après-midi au centre pénitentiaire. Deux événements « hors les murs » du festival Nature Nomade organisés avec la complicité de la ligue de l'enseignement des Pays de la Loire. J'ai parlé au total à une cinquantaine de détenus de mon livre L'Échappée. Un titre un brin ironique, non ? Pas tant que cela finalement. Je me suis livré sans apriori, sans retenue ni arrière-pensée, mais avec détermination, clairvoyance et même fougue. L'univers carcéral est un monde résolument à part. Le matin, dans la maison d'arrêt surpeuplée (815 détenus en attente de jugement, un taux d'occupation de 153 %), la violence est d'abord verbale. Elle s'entend partout, elle se décèle également dans les regards. « Taisez-vous, c'est bien ce que dit le cousin ! ». Le caïd a parlé, les autres m'ont écouté. La partie était gagnée. L'après-midi, le climat était plus apaisé au centre de détention devant cette fois 25 hommes, condamnés à de lourdes peines, de retour de leur journée de travail. L'assistance m'écoutait sans broncher jusqu'à l'interrogation d'un détenu assis au premier rang : « Monsieur, je n'aurais qu'une seule question à vous poser : à quoi sert l'exploration aujourd'hui ? Est-elle toujours utile ? Merci de nous répondre en argumentant. Nous avons tout notre temps… ». Trop heureux devant tant de malice, j'ai répondu avec faconde en insistant sur mon vécu tout-terrain. J'ai aimé à mettre en lumière cette maxime qui m'est chère : « Seul celui qui a emprunté la route connaît la profondeur des trous ». Puissent ces prochains mois nous donner à voir autrement le monde, à écouter plus attentivement le vivant et à dialoguer (avec davantage de nuances) avec autrui, tout en continuant d'arpenter les ici et les ailleurs. Car, pour paraphraser un auteur-compositeur des plus prolifiques de la scène française : « Y'a que les routes qui sont belles, et peu importe où elles nous mènent, oh belle… ». Oh oui, belle et heureuse année 2024, donc !

Stéphane Dugast

QUATRE QUESTIONS À …
Éric Brossier
Il y a 20 ans, il rentrait à bon port en Bretagne avec Vagabond, son voilier polaire à la coque rouge de 15 mètres, après un tour de l'Arctique de 17 mois via le passage du Nord-Est (de l'Atlantique au Pacifique) et celui du Nord-Ouest, sans hivernage, ni aide d'un brise-glace. Entretien avec un navigateur-explorateur (trop) discret, qui multiplie avec brio et efficacité depuis les navigations dans les glaces au nom de la science.
propos recueillis par Stéphane Dugast
à lire en page 2 du journal Embarquements n°11
en savoir plus : vagabond.fr

HISTOIRE
Guerres froides
Deux marins cheminent jusqu'au bout du monde. Roald Amundsen est norvégien et Robert Scott anglais. Chacun espère être le premier à planter le drapeau de son pays sur le pôle Sud géographique. De cette épopée dans le froid extrême, où l'âme des voyageurs est à nu, Catherine Hermary-Vieille rend compte à la manière d'une journaliste embarquée. La fiction mêlée au réel fait tout le sel de ce roman-récit, parfaitement orchestré entre les sentiments contradictoires qui le hantent. D'un côté la joie de la réussite norvégienne, de l'autre la déchéance tragique des Britanniques.
texte : Françoise Objois
à lire en page 3 du journal Embarquements n°11
📖 Un Monde au-delà des Hommes, Catherine Hermary-Vieille, éditions Albin Michel, 2023.
en savoir plus : albin-michel.fr

EXPÉDITION
L'appel de la canopée
Piqué par l'observation et l'étude des insectes depuis son plus jeune âge, Nicolas Moulin a créé son entreprise de conseil en entomologie dès 2007. Formé en autodidacte, sa passion pour les mantes lui a permis d'obtenir le titre d'attaché honoraire du Muséum national d'Histoire naturelle de Paris. Les insectes l'ont mené du Vanuatu à Madagascar, en passant par la Guyane et surtout l'Afrique centrale. Car Nicolas n'aime pas mieux qu'à arpenter les forêts tropicales du globe en quête d'espèces rares. La preuve.
texte et photographies : Nicolas Moulin
à lire en page 4 du journal Embarquements n°11
en savoir plus : nmentomo.fr

CHRONIQUE LITTÉRAIRE
Éloge de la lenteur
Partir loin – ou pas. Mais partir lentement. Voilà une idée qui, de plus en plus, fait son chemin. Que ce soit au sein des frontières de nos régions françaises ou à travers les immensités d'Asie centrale, les livres de notre sélection invitent à prendre le temps. Le temps de la contemplation… ou celui de la vengeance !
par Magali Brieussel | en partenariat avec La Géosphère, librairie de voyage à Montpellier
à lire en page 5 du journal Embarquements n°11
en savoir plus : librairiegeosphere.com

REPORTAGE
Sous le masque des Borucas
Dans la jungle de la cordillère Brunqueña, la Harpie féroce dévisage ses admirateurs. Censé avoir disparu du Costa Rica, cet aigle représente ici l'esprit d'un guerrier. La bête curieuse est incarnée par un jeune Amérindien qui rejoint la Fiesta de los Diablitos pour célébrer la mémoire de ses ancêtres. Au XVIe siècle, le peuple indigène des Borucas a su repousser la puissance de feu des conquistadors, avant d'être finalement converti par l'Église catholique. Aujourd'hui, leurs enfants regagnent leur culture animiste dans un contexte plus globalisé que jamais.
photographies : Vincent Eschmann
à lire en page 6 du journal Embarquements n°11
en savoir plus : vincenteschmann.com

REPORTAGE
Tête-à-tête avec une momie
On croirait qu'elle nous regarde, qu'elle nous écoute. Restaurée en 2023 par le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), la momie égyptienne de Setjaimengaou n'en finit pas d'interroger ses visiteurs. Acquise en 1839 et conservée depuis au Musée de Picardie, cette dépouille est celle d'une femme décédée vers 664 av.JC, probablement issue de la nécropole thébaine. Préservée de la putréfaction, elle n'en demeure pas moins fragilisée par le poids des années. Charge aux restaurateurs contemporains d'employer leurs savoir-faire afin de mieux l'admirer et la respecter pour les siècles à venir.
photographies : Antoine Merlet
à lire en page 8 du journal Embarquements n°11
en savoir plus : antoinemerlet.comyoutube.com

REPORTAGE
Des profs au pied marin
L'appel sera vite fait ! Les collégiennes de l'île de Sein ne sont que trois, et chaque matin elles accueillent leur professeur qui vient en bateau. Situé au large de la pointe du Raz, ce lambeau de terre d'un demi-kilomètre carré abrite l'une des six antennes du Collège des îles du Ponant. Tout comme à Batz, Ouessant, Molène, Groix et Houat-Hoëdic (75 élèves au total en 2023-2024), l'établissement public assure les mêmes cours que « sur le continent », quand la mer permet d'y accéder. Le pied marin et l'âme philanthrope, ces enseignants souvent pluridisciplinaires témoignent d'un engagement certain.
photographies : Antoine Merlet
à lire en page 12 du journal Embarquements n°11
en savoir plus : antoinemerlet.comradiofrance.fr

CABINET DE CURIOSITÉS
Allier : ce que savent les saumons
Le saumon est encore présent dans nombre de cours d'eau français, mais dans l'Allier, sa population est devenue précaire. Depuis 2001, un conservatoire se bat pour l'y faire revenir, avec succès. Mais en 2023 rebelote. Seuls 96 saumons sont dénombrés cette année-là à Vichy. Contraint par le réchauffement climatique, l'animal serait obligé de nager plus au nord de l'Atlantique pour trouver sa nourriture, et de revenir plus vite en amont de l'Allier pour se reproduire. Une quadrature du cercle pour l'espèce qui devra s'adapter.
texte et photographies : Sébastien Barrio
à lire en page 18 du journal Embarquements n°11
en savoir plus : sebastienbarrio-photographie.comsaumon-sauvage.org

SAGA
Tara, il était une foi
Dès ses origines, la goélette Tara a l'âme d'une exploratrice. Lancé en 1989 sous le nom d'Antarctica, ce 36 mètres en aluminium passe successivement entre les mains de Jean-Louis Étienne (son premier propriétaire), puis de Sir Peter Blake (assassiné en 2001), et enfin d'Agnès Troublé (Agnès b.) et de son fils Étienne Bourgeois. En 2003, ces derniers affichent l'ambition de dédier entièrement ce navire à l'exploration et à la science. Un engagement qui dure depuis tout juste 20 ans.
texte : Stéphane Dugast
à lire en page 20 du journal Embarquements n°11
📖 Tara, histoire d'un engagement pour l'océan, Sylvie Rouat & Stéphane Dugast, éditions Paulsen, 2023.
en savoir plus : fondationtaraocean.orgeditionspaulsen.com


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