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Automne 2023
  au sommaire de ce numéro 10 :
L'ÉDITORIAL DE STÉPHANE DUGAST
Mauvaise langue
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Open-space, conf call, slides, feedback, to-do-list, burnout… La langue de Molière est contaminée. Les anglicismes sont légion, et pire, très prisés des adeptes de cette « novlangue ». Le phénomène touche bien entendu le monde de l'exploration, des voyages et des curieux. Ainsi est né le staycation – une contraction de « to stay » (rester) et « vacation » (séjour) – afin de désigner un nouveau mode de tourisme, celui qui consiste selon le quotidien Sud-Ouest à partir en vacances dans sa propre région. Cette « touristification du quotidien » (toujours d'après ce journal) est même devenue un phénomène de société au point d'inciter le quidam à insérer toujours plus de loisirs dans les interstices de son emploi du temps afin de vivre des « micro-aventures ».

« Micro-aventures », voilà l'autre gros mot lâché. Un mot-valise à l'emploi abusif chez tous les « marchands du temple » spécialisés dans les activités de plein-air, terme désuet que je préfère à « outdoor » – un autre anglicisme qu'affectionnent les aventuriers modernes et leurs « public relations », comprenez leurs « attachés de presse », car l'aventure est désormais un business. Fichtre !

Revenons un instant au « stay-machin-bidule-cation ». Pour son lectorat (sûrement senior), le journaliste de Sud-Ouest s'est néanmoins voulu rassurant : on peut aussi parler de « locatourisme » tant les vertus de cette pratique sont écologiques et économiques. Finies donc les vacances avec de longs trajets en automobile, ou pire en avion. Un mode de transport victime lui aussi de bashing (je ne vais décidément pas m'en sortir). Un nouveau mot a d'ailleurs émergé concernant sa pratique : le « flygskam », un terme venu tout droit de Suède qui désigne dorénavant la honte émergente à prendre l'avion. Une conception si réductrice à mes yeux ! Lisez notre reportage pages 8-13 sur la folle épopée d'Air France, et vous verrez – je l'espère – l'histoire du transport aérien mise en perspective. Bien entendu, ce secteur n'est pas exempt de tout reproche, il doit impérativement réduire son empreinte carbone, mais utilisé à bon escient, l'avion continuera d'unir les humains et les cultures.

Économie versus écologie, le débat est lancé. L'autre soir, il a fait rage avec Hippolyte (le prénom a été changé). Ce prospère avocat d'affaires parisien était furibard contre mes reportages depuis 20 ans dans des contrées lointaines, dont le dernier à Clipperton, île-confetti de notre république perdue dans les limbes du Pacifique, à découvrir pages 18-21. J'ai eu beau arguer que je ne connaissais ni l'horaire des trains, ni celui des autobus pour m'y rendre, Hippolyte n'en démordait pas : j'étais un salaud de pollueur, un inconscient et un abruti. Compte tenu du contexte climatique, de l'urgence à agir et de la fin du monde, lui se démenait : il ne prend désormais plus l'avion, et ne mange plus de viande. Je ne conteste pas sa frugalité, je la loue, mais j'aime à dialoguer, et non pas à recevoir des leçons de morale quant à mes actes. La protection de la planète me concerne en premier lieu, même si mes actions sont sûrement encore trop timides et maladroites. L'heure n'est cependant ni aux émotions, ni aux injonctions, mais aux solutions et aux concertations. J'ai ainsi tenté de parler à Hippolyte d'économie circulaire. Il ne m'écoutait plus, bien décidé à couper net chacun de mes argumentaires. Désappointé et en colère moi aussi, je l'ai laissé repartir sur son vélo « non musculaire ». Nos arguties n'avaient guère fait avancer le débat, a contrario de mon ivresse. Le vin rouge bio, un Côtes-du-Rhône dans mon souvenir, était délicieux. Et ses tanins puissants.

Je n'ai pas revu Hippolyte depuis, mais j'ai rencontré d'autres gens, eux aussi préoccupés par l'état de santé de notre planète, comme Étienne Bourgois, cocréateur des expéditions Tara. Un homme de convictions, avec à ses côtés des marins, des scientifiques et des artistes engagés depuis 20 ans dans une collecte de connaissances pour une meilleure protection des océans. Je me suis aussi entretenu avec Jean-Louis Étienne, 72 printemps. Sur le pont de son bateau Persévérance, l'explorateur polaire m'a parlé de sa dernière navigation en Arctique, de la majestuosité des lieux, et de sa prochaine expédition dans l'océan Austral avec Polar Pod, son drôle d'engin.

Ces discussions, et d'autres, ainsi que mes lectures estivales, m'ont réconforté, et donné foi en l'être humain. Puissent les reportages de ce numéro collector vous nourrir en ce sens, et alimenter vos discussions. À la terrasse de la brasserie Le Square, mon QG à Paris 14ème, je ne désespère pas de recroiser Hippolyte pour parler avec lui sans fard (ni anglicismes) des beautés et des fragilités du monde, mais surtout des solutions pour demain. Car là est mon leitmotiv, celui de verser ni dans l'angélisme, ni dans le désespoir, mais dans le pragmatisme quant à la planète que nous léguerons à nos descendants. « Nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants », a écrit avec à-propos Antoine de Saint-Exupéry, écrivain, poète… et pilote !

D'ici là, bel automne à tous, et restons forts,

Stéphane Dugast

TROIS QUESTIONS À …
Victor Rault, dans le sillage de Darwin
Alors qu'il participait à l'expédition Under The Pole, la lecture du récit de voyage du naturaliste Charles Darwin va agir sur lui comme un électrochoc. Il imagine dès lors une audacieuse expédition : un tour du monde de 5 ans à la voile sur les traces du célèbre scientifique. L'occasion d'explorer la biodiversité à 200 ans d'intervalle et de dresser des constats. De passage dans la capitale après un premier cycle de 2 ans qui l'a mené avec son voilier Captain Darwin jusqu'en Patagonie, le cinéaste-explorateur Victor Rault fait le point sur son aventure qui, actualités environnementales obligent, fait plus que jamais sens.
propos recueillis par Stéphane Dugast | photographies : Maxime Horlaville
à lire en page 2 du journal Embarquements n°10
en savoir plus : captaindarwin.orginstagram.com

EXPÉDITION
Sur la piste du loup
Au printemps 2023, Marine Menier a réalisé le premier volet de son expédition Backtrack en Colombie Britannique. Pendant un cycle lunaire, l'exploratrice est partie à la rencontre des habitants qui peuplent les forêts, les rivières, et entretiennent un rapport fort à la terre. Ces protagonistes lui ont livré quelques pièces de ce gigantesque puzzle. La preuve au coeur de la forêt canadienne où les cinq sens de Marine se sont emballés.
texte et photographies : Marine Menier
à lire en page 3 du journal Embarquements n°10
en savoir plus : open.spotify.com

RÉCIT
Guyane : l'entente cordiale
Expert de l'Amazonie et de ses habitants, François-Michel Le Tourneau a réussi à se faire accepter au sein des orpailleurs illégaux brésiliens en Guyane française. Le géographe a même su développer une intimité unique avec ces clandestins. Lors d'une nouvelle expédition, il a choisi cette fois d'être accompagné de légionnaires sélectionnés pour leur rusticité et leur endurance. Ensemble, ils ambitionnent de traverser la forêt guyanaise d'est en ouest, en pleine saison des pluies, et de parcourir ainsi 320 kilomètres à pied en 6 semaines. Récit d'une expédition sans pareil au coeur de l'enfer vert.
texte et photographies : Thibaut Vergoz
à lire en page 4 du journal Embarquements n°10
📖 Chercheurs d'or, l'orpaillage clandestin en Guyane française, François-Michel Le Tourneau, éditions CNRS, 2020.
en savoir plus : thibautvergoz.comradiofrance.fr

SAGA
90 ans d'Air France : opération séduction
Air France célèbre son 90e anniversaire, marquant ainsi près d'un siècle de panache et d'élégance dans le ciel comme au sol. Depuis ses origines, la compagnie a toujours pris soin de vanter l'art de vivre à la française et ainsi de cultiver d'étroites relations avec le monde des arts. Cette touche fait sa singularité, et même son histoire émaillée de rebondissements, d'envols et de turbulences. Plongée dans les coulisses d'une étonnante saga.
texte : Stéphane Dugast | photographies : Zeppelin
à lire en page 8 du journal Embarquements n°10
en savoir plus : youtube.com

REPORTAGE
Le réveil des terrils
Bel et bien vivants, les terrils des Hauts-de-France surprennent par le dynamisme de leurs vocations nouvelles. Héritiers d'une histoire éprouvante, ils sont passés du noir au vert, gagnant le coeur des habitants et des paysagistes. Onze ans après avoir été ennoblies par l'UNESCO, ces montagnes de débris miniers sont devenues les figures de proue d'un Pays qui n'a jamais été plat. Là-haut, les écologues sont éblouis et les randonneurs essoufflés. On y rencontre des bergers, des viticulteurs et même un groupe de musiciens. Sous leurs pieds, des géologues surveillent la combustion spontanée du charbon qui peut atteindre 1000°C. De leur côté, des industriels captent le grisou pour le chauffage de Béthune. Autant d'opportunités qui font de ces terrils des terroirs.
texte et photographies : Joaquim Dassonville
à lire en page 14 du journal Embarquements n°10
en savoir plus : joaquimdassonville.com

REPORTAGE
Clipperton, l'île miroir
Tête d'épingle sur une mappemonde, Clipperton est l'atoll le plus isolé de notre planète d'après l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Propriété française depuis 1931, cette île-confetti du Pacifique oriental est inhabitée, mais une oasis de vie pour de nombreuses espèces que l'Homme n'avait que peu troublée jusqu'à récemment.
texte et photographies : Stéphane Dugast
à lire en page 18 du journal Embarquements n°10
en savoir plus : youtube.com

EXPÉDITION
L'or vert des Mascareignes
Saya de Malha est l'un des plus vastes herbiers sous-marins au monde situé en plein océan Indien, à 300 kilomètres de la terre la plus proche. Cette île invisible est pourtant peu profonde : 7 mètres sous la surface pour son point culminant. Orchestrée par la Société des explorations de Monaco, une mission scientifique d'envergure a été dépêchée sur place afin de mener l'enquête. Immersion au pays de l'or vert.
texte : Stéphane Dugast | photographies : Nicolas Mathys
à lire en page 22 du journal Embarquements n°10
en savoir plus : nicolasmathys.com

CABINET DE CURIOSITÉS
Halioculture, défi et mode d'emploi
Située au creux de l'Aber-Wrac'h, sur la côte nord de la Bretagne, France Haliotis est la seule entreprise d'Europe à élever des ormeaux en pleine mer. Quelques connaisseurs n'hésitent pas à les ramasser pendant les grandes marées, mais le biologiste Sylvain Huchette s'est creusé la tête pour en produire plus et mieux.
texte : Julien Pannetier | photographies : Zeppelin
à lire en page 28 du journal Embarquements n°10
en savoir plus : francehaliotis-pro.fr

REPORTAGE
Grain de Sail, toutes voiles dehors !
Grain de Sail n'est pas un navire de commerce, et encore moins un porte-conteneurs, mais bien le premier voilier-cargo moderne capable d'embarquer 50 tonnes de fret, dont des fèves de cacao à destination de l'Europe. Bienvenue à bord d'un bateau armé par une entreprise bretonne soucieuse de réconcilier transport, environnement et qualité des produits. Récit d'un étonnant embarquement.
texte et photographies : Nicolas Mathys
à lire en page 30 du journal Embarquements n°10
en savoir plus : nicolasmathys.comgraindesail.com

PORTRAIT
Alban Michon, l'obsession des glaces
Explorateur polaire et spécialiste de la plongée sous glace depuis plus de 20 ans, Alban Michon aime à raconter son métier, ses coulisses et sa philosophie. Portrait d'un homme passionné par les grands blancs qui espère se lancer en 2025 dans une expédition audacieuse, une sorte de voyage interpolaire.
texte : Stéphane Dugast | photographies : Andy Parent & Thomas Vollaire
à lire en page 32 du journal Embarquements n°10
en savoir plus : albanmichon.com


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